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Portrait de Pierre GOLENDORF, doyen des locataires d'H&H Gard
Pierre GOLENDORF vit depuis trois ans à la MEP « Le Patio des Hirondelles » rue Enclos Rey.
Il fait l’admiration des locataires, en raison de son âge et d’un incroyable parcours de vie. Chaque jour, à 99 ans, Pierre enfourche sa bicyclette pour parcourir le quartier.
Sa vie a commencé dans le Paris des années folles comme fils unique de parents fabricants de tissus. Il suit ensuite Sciences PO pour leur faire plaisir en cultivant sa passion pour les films à la cinémathèque.
La guerre survenue, la famille part pour Cannes où il rencontre son copain d’enfance, Dany LARTIGUE, le fils du célébrissime photographe.
Observant son ami peintre en pleine activité, Pierre ignore qu’il deviendra photographe sur les conseils insistants en 1945 de Willy RONIS (et son célèbre Titi, la baguette sous le bras !)
Après les années de résistance à 22 ans dans le réseau Combat et l’internement 6 mois dans un camp en Suisse, il faut revenir à la vie normale.
Pierre s’essaie à la poésie puis se met à la photographie en réalisant des photos de mode (mais les mannequins le paralysent). Sa future femme, peintre, est déterminante en faisant connaître les photos de ses propres tableaux que Pierre réalise. Il signe des contrats avec les galeristes, et rencontre du monde dont le peintre cubain Di Fredo Lam qui l’invite en 1937 au salon international de mai à La Havane. Il y réalise un reportage et maitrisant l’espagnol il découvre l’île, la vie et la culture cubaines sous le régime de Castro.
Deux ans plus tard, à l’invitation du Ministre de la Culture, il retourne à Cuba. Ses photos choisies par le Ministre de la Communication figurent sur les timbres nationaux.
La vie lui sourit, d’autant qu’il rencontre sa deuxième femme, une cubaine qui met au monde sa deuxième fille Noisette. En février 1971 survient l’inattendu…il est arrêté par la Police Politique Cubaine, traduit devant le Tribunal Révolutionnaire, accusé d’être au service de la CIA pour transport dans sa valise d’œuvres interdites par le régime, et condamné à 10 ans de prison.
Cette condamnation fait réagir, notamment Amnesty internationale et la radio « La voix de l’Amérique » qui dénonce quotidiennement cette injustice.
En 1974 il est libéré après 3 ans d’emprisonnement, expulsé vers la France, non sans promettre aux prisonniers cubains de ne pas les oublier…. En France il doit se taire pour ne pas compromettre l’autorisation de sortir de Cuba de sa femme et de sa fille.
Il fait alors la connaissance d’Yves Montand et de Bernard Henry Lévy tous deux engagés dans la défense des droits de l’Homme et se met à écrire pour lui et les prisonniers détenus.
« 7 ans à Cuba », véritable documentaire social et politique et politique publié par Bellefond en 1976, est édité à 5000 exemplaires. Pierre contribue aussi à l’édition d’œuvres écrites par des artistes cubains.
La retraite arrive en 1980, il quitte Paris, avec femme et enfant, pour la Drôme. Sa femme souffrante ne vivra pas très longtemps. Direction Sommières avec sa fille qui se mariera et aura des enfants.
Il reçoit un jour une lettre d’une enseignante argentine qu’il a connue à Amsterdam, elle l’invite à Buenos Aires, par crainte de l’ennui et du froid en Métropole, il la rejoint pour une visite de 7 ans le temps de visiter toute l’Amérique du Sud.
Il revient à Sommières dans un appartement à côté de sa fille, joue au ballon avec ses petites filles et se casse le col du fémur. Après sa convalescence par souci d’indépendance, il demande à Noisette de li chercher un appartement à Nîmes et se retrouve à la Maison en Partage Enclos Rey.
S’il se plaît en compagnie des 9 locataires, il trouve désormais la vie un peu trop longue et les derniers évènements liés à l’épidémie bien tristes. Il a un peu de mal à ire, même Romain Gary ou Primo Lévy qu’il affectionne. Il avoue manquer de concentration, même dans les gestes quotidiens. Il reste fidèle au cinéma, et se régale avec Steeve MC Queen dans la Tour infernale ou La grande évasion.
Pas étonnant pour celui dont la vie ressemble à un roman qu’il l’ouvre un soir de confinement, les locataires suspendus à ses lèvres.